mardi 26 février 2008

Pourquoi les prix des produits alimentaires flambent-ils ?


Cet article est extrait du blog du MODEF de la région PACA.



Les prix des produits alimentaires affichés dans les grandes surfaces ont grimpé en moyenne de 2,39% en janvier, selon une étude du cabinet Nielsen Panel International. Il s'agit de la
quatrième hausse mensuelle consécutive, mais également de la plus forte, les prix de l’alimentation ayant déjà augmenté de 0,7% en octobre, de 0,43% en novembre et de 1,42% en décembre, avec notamment une forte augmentation du prix du pain (+7,1%). Depuis le mois de septembre dernier ce mouvement ininterrompu de valse des étiquettes représente une hausse moyenne supérieure à 5%, touchant de nombreux produits de première nécessité, en particulier ceux à base de lait ou de céréales. D’après 60 millions de consommateurs, la moitié des produits
alimentaires ont enregistré une envolée des prix comprise entre 5 et 48% sur cette période. Selon l’Insee, il faut remonter à mai 1992 pour trouver d’aussi fortes augmentations des prix alimentaires en France. Une évolution inquiétante qui ne touche pas la plupart des autres pays européens.

Un mouvement qui s’étend désormais aux produits « premier prix » et devrait se poursuivre.

Selon l’étude du cabinet Nielsen, les hausses du mois de janvier ont été plus importantes dans les hypermarchés (+2,41% en moyenne) que dans les supermarchés (+2,33%), mais elles ont été plus sensibles encore dans les magasins de hard discount (+3,76%) magasins rappelons le appartenant aux principaux groupes de la distribution.

Durant le dernier mois ce sont les produits alimentaires dits de « premiers prix » (+3,63%) et ceux sous marque de distributeur (MDD) (+3,1%) qui ont enregistré les hausses les plus élevées, tandis que les produits alimentaires des grandes marques n’ont augmenté pour leur part que de 1,29%.

Toujours selon le cabinet Nielsen, les hausses de janvier ont très fortement porté sur certains produits de première nécessité : +13,17% en moyenne pour les œufs (dont +22,10% pour les premiers prix, +20,27% pour les MDD et +8,44% pour les grandes marques) et +11,44% en moyenne pour les pâtes alimentaires, (dont +28,30% pour les premiers prix, +13,11% pour les grandes marques et +12,91% pour les MDD)

En décembre dernier, les œufs et les pâtes alimentaires de premier prix avaient déjà fortement augmenté, respectivement de 21% et de plus de 30%.

Mais les hausses de janvier ont également concerné les farines et semoules (+ 6,84% en moyenne, dont +22% pour les premiers prix, +9,11% pour les MDD et +5,29% pour les grandes marques), ainsi que le beurre (+8,88% en moyenne), le riz (+7,35%), les fromages (+6,81%) et les yaourts et desserts lactés (+6%).

Selon Olivier Desforges, président de l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation, le renchérissement des produits alimentaires devrait continuer à progresser pendant le premier semestre 2008. Nielsen prévoit également de son côté une poursuite de l'augmentation des prix des produits alimentaires en France durant les prochains mois, avec un pic à +4% en avril. Des prévisions confirmées par Michel Edouard Leclerc qui annonce de son côté de nouvelles hausses moyennes de l’ordre de 4% dans ses magasins.

Pourquoi cette flambée des prix ?

La grande distribution et la plupart des commentateurs et des médias incriminent l’augmentation des matières premières céréalières et du lait pour expliquer cette hausse vertigineuse des prix à l’étal.

Certes, en raison d’un déficit mondial de production et de stocks et de mouvements spéculatifs les cours des céréales ont connu une forte progression depuis le début de l’été 2007 (+97% pour le blé par exemple), conduisant à une augmentation des coûts de production pour les éleveurs laitiers, pour les éleveurs d’animaux destinés à la boucherie ou la production d’œufs, ainsi que pour les produits transformés à base de viande, lait, œufs et céréales.

Certes encore, du fait d’une pénurie européenne et mondiale, les cours du lait ont assez sensiblement progressé (+15 à 20%) depuis quelques mois.

Mais le poids de la hausse du prix des céréales et du lait, aussi importantes soient elle, doit à double titre être fortement relativisé :

1) Les éleveurs en particulier familiaux ne sont pas fous. Nombre d’entre eux intègrent une production de céréales sur leur exploitation et n’en

achètent sur le marché qu’en cas de nécessité (surfaces cultivées insuffisantes, mauvaise récolte, ou encore en fonction de certains besoins des animaux, mise bas, maladie,….). Ces achats ne représentent en général que 10 à 40% de la consommation de leur troupeau, voire même rien du tout pour ceux qui couvrent la totalité de leurs besoins. Si le prix des céréales a nettement augmenté il ne doit donc pas être répercuté dans la même proportion pour les produits alimentaires issus de l’élevage, loin de là;

2) La part des matières premières agricoles dans le prix de revient des produits transformés est faible voire très faible. Le blé représente par exemple 3% du prix du pain, l’augmentation du prix du blé aurait donc du se traduire par une hausse de 1,7% du prix de celui ci, alors qu’elle a
représenté plus de 7%. Même chose pour le prix du lait : Ce dernier ne rentre que pour 10 à 30% dans le prix de revient des produits laitiers transformés, les hausses ne devraient donc pas excéder 5%, très loin des 20 voire même plus de 40% enregistrés sur de nombreux produits.

A qui profitent les hausses ?

Devant la valse des étiquettes des produits alimentaires dans les grandes surfaces les paysans n’en croient toujours pas leurs yeux.

En dehors des gros céréaliers qui ont connu en 2007 une amélioration sensible de leur revenu, la plupart des autres producteurs voient en effet au mieux la rémunération de leur travail stagner et dans de nombreux cas chuter.

Les petits céréaliers par exemple n’ont pas enregistré une hausse importante de leur revenu, du fait notamment de l’envolée des produits pétroliers et des engrais.

Les éleveurs d’animaux pour la viande sont de leur côté doublement confrontés à des baisses des cours (jusqu’à - 20% pour les broutards) et à la hausse des coûts de production (gazole, engrais, compléments alimentaires pour le bétail notamment). Les éleveurs de porcs, de moutons, de bovins ont perdu entre 20 et 35% de revenu durant l’année 2007.

Si les producteurs laitiers s’en sortent actuellement un peu mieux que les autres éleveurs grâce à la hausse récente du prix du lait, cette amélioration est encore loin de rattraper les prix bas qui ont sévi durant les trois dernières années. Cette hausse ne fait par ailleurs en général que compenser l’explosion des coûts de production.

Si l’immense majorité des paysans subissent baisses des prix et de revenu et que les produits alimentaires flambent, la question se pose dès lors de savoir où va l’argent des consommateurs.

Une récente étude publiée en octobre 2007 par la documentation française apporte un éclairage décisif sur cette question en indiquant que quelque soit le niveau de valeur ajoutée des produits agricoles (produits bruts ou transformés, produits de bas de gamme ou labellisés), c’est la grande distribution et elle seule qui depuis de nombreuses années en récupère sans partage une part toujours croissante.

De 20% il y a 20 ans, la part moyenne des producteurs agricoles et des éleveurs dans le prix final de leurs produits au consommateur est passée aujourd’hui à 10%, celle des entreprises de transformation indépendantes des groupes de la distribution (dont une très large majorité de PME) de 40 à 35%, et celle des grands distributeurs de 40 à 55%.


Contrairement à une idée reçue, les aides communautaires distribuées depuis 1992 aux producteurs et éleveurs pour faire face aux baisses de prix continues ne changent rien à cette tendance. Elles sont de fait elles mêmes indirectement récupérées par les groupes de la distribution.


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